Music in Belgium
Chez Music In Belgium, nous avons déjà eu l’occasion de parler des bienfaits de Jack Dupon et de son rock progressif dingo, à travers les albums « L’échelle du désir« (2008), « Démon hardi« (2010) et « Bascule à vif« (2012). Pour notre plus grand plaisir, revoici les Auvergnats fous avec un album supplémentaire, l’étrangement nommé « Jésus l’aventurier ». En effet, mis à part le portrait du pêcheur sur la couverture et le tas de poissons dessiné en pochette intérieure, ce qui peut faire penser à la pêche miraculeuse, l’évocation de Jésus n’apparaît nulle part dans les dix chansons de l’album.
Le concept du nouvel opus de Jack Dupon traite au contraire de portraits divers de personnages historiques plus ou moins fameux, n’ayant aucun lien entre eux. Ainsi, toutes les chansons sont intitulées d’après des prénoms qui renvoient tous à une histoire particulière, illustrée en musique de la façon la plus folle qui soit, les gens de Jack Dupon n’ayant pas l’habitude de faire dans la sagesse. « Margaretha » parle de Mata-Hari, espionne néerlandaise fusillée en France en 1917. « Ulysse » est bien entendu celui de l’Odyssée. « Raymond » évoque en 16 minutes la vie et la fin de Raymond La Science, un des membres de la fameuse bande à Bonnot. « Butch » est l’histoire de Butch Cassidy et « Modestine » est l’âne qui traversa les Cévennes dans le livre de Robert-Louis Stevenson, père du Docteur Jekyll et de Mister Hyde et auteur de « L’île au trésor ».
Ces chansons sont les morceaux où il y a des paroles (bien délirantes et souvent chantées sous forme de litanies répétitives parfois obsédantes). D’autres pièces plus courtes et instrumentales portent les noms de Raspoutine (« Grigori »), du premier chien envoyé dans l’espace (« Laïka »), d’une tueuse en série de la fin du 19e siècle (« Brynhild »), d’une cantatrice devenue mendiante au Tibet (« Alexandra ») ou d’un marin chercheur d’or et chasseur de phoques (« Jack »). Le très beau poster qui sert de livret évoque tous ces personnages et reproduit les paroles, ce qui permet de voir à quel point les musiciens de Jack Dupon sont bien fous dans leur tête, ce qui est rassurant.
Musicalement, le groupe alterne petits instrumentaux et morceaux plus longs, dont les trois chansons fleuves « Raymond », « Butch » et « Modestine » avoisinent le quart d’heure. Il faut s’accrocher au milieu des parties de guitare incontrôlées, des rythmiques capricieuses et des multiples changements de tempos. On est ici dans la plus pure tradition du rock progressif expérimental et avant-gardiste, façon Frank Zappa, King Crimson ou Gong. « Modestine », notamment, offre un affrontement homérique entre guitares sur lit de rythmique hypnotique, tandis qu’une voix d’outre-tombe parle de la vie et de l’œuvre de Robert-Louis Stevenson.
On l’aura compris, les gars de Jack Dupon sont d’une belle originalité et on ne peut que les remercier de cette inventivité dans l’écriture, ce qui change des chansons qui parlent des pieds du chanteur ou du prix des abonnements de téléphone portable. Le style de Jack Dupon n’est sans doute pas à la portée de toutes les oreilles mais l’aventure musicale que le groupe propose dans cet album vaut le détour.